Lettre à Mon ami Bien aimé Monsieur le Médecin Chef de District de Munzenze à Munzenze


Mon Cher ami bien aimé,

Avril 2010-Mars 2016 : Voilà que nous commençons la sixième année de mise en œuvre du FBP à l’échelle nationale. C’était exactement en avril 2010, lorsque l’autorité du ministère en a décidé ainsi après le succès des expériences pilote.

Depuis cette année jusque très récemment en 2013, presque tous les indicateurs ont connu une augmentation remarquable. Les formations sanitaires ont réalisé des investissements en infrastructures et équipements ! Le personnel se sentait fort motivé. L’enthousiasme et le dynamisme au service étaient visibles dans tous les établissements sanitaires sous contrats. Le FBP était le leitmotiv dans la grande partie des échanges et discussions professionnelles.

Tu te rappelles aussi que plusieurs délégations des pays étrangers sont venues s’inspirer de notre modèle ! Même le Président de la Banque Mondiale a fait référence au succès de la réforme FBP au Burundi en 2012 dans son discours à New York lors du sommet mondial de lutte contre le VIH/SIDA .

Mon Cher ami bien aimé,

Tu as lu certainement avec intérêt le rapport annuel FBP 2013. Comparé à celui de 2012 il y a de quoi se réjouir ! Une augmentation remarquable des indicateurs contractualisés. En effet, l’utilisation des services de consultations curatives dans les formations sanitaires a connu une nette augmentation entre 2012 et 2013. La moyenne qui était de 1,31 NC/Hab/an en 2012, est passée à 1,62 NC/Hab/an en 2013. La même source indique que la proportion des accouchements assistés par un personnel qualifié a connu une hausse, passant de 67,5% à 72,3% de 2012 à 2013.

Bien plus, le rapport montre aussi que de 2012 à 2013, le taux de dépistage volontaire pour l’année 2013 est de 12,7% de la population générale (126,8% x 10%) contre 9,5% en 2012.

Le même rapport montre que le score de qualité globale a connu une augmentation entre 2012 et 2013 au niveau des Centres de Santé, passant de 80% à 82%. Au niveau des Hôpitaux de district, le score de qualité globale a connu également une augmentation, la moyenne passant de 79% à 87% de 2012 à 2013. En ce qui concerne les Hôpitaux Nationaux, le score de qualité globale est passé de 75% en 2012 à 90% en 2013.

Une amélioration est remarquable aussi au niveau de la Gouvernance du système de santé. La culture de planification, la culture de rendre compte, la transparence dans la gestion des ressources financières sont observables. Bref, tout est rose !

Mon Cher ami Bien aimé
Hélas ! Aujourd’hui il se trouve que quelques indicateurs connaissent soit une baisse soit une stagnation. Et pourtant, l’on chemine vers la maturation de la réforme. Reste maintenant à imaginer des stratégies novatrices pour rebondir, afin de fixer une orientation tendant vers la durabilité des acquis.

En effet, le rapport FBP 2014 montre notamment une légère baisse de l’utilisation des services de santé : le nombre de nouveaux contacts par habitant et par an a baissé très légèrement passant de 1,62 en 2013 à 1,55 en 2014. Le taux d’enfants complètement vaccinés a baissé passant de 100% en 2013 à 91% en 2014.

Au niveau des Centres de Santé, le score de qualité technique est passé de 82,4% à 56,3% tandis qu’au niveau des Hôpitaux de District, ce score est passé de 87% à 63,6%. Pour les Hôpitaux Nationaux, le score de qualité technique est resté quasi stationnaire (90% en 2013 contre 92,98% en 2014).

S’agissant de la consultation curative chez les 5 ans et plus, le nombre moyen de contact en consultation curative en 2014 est aussi légèrement inférieur à celui de 2013 (1,13 contre 1,15 en 2013). La proportion des femmes utilisant une méthode contraceptive moderne a légèrement baissé entre 2013 et 2014, passant de 41,06% à 39,72%.
Mon Cher ami Bien aimé,

Comme on peut le constater, les chiffres parlent d’eux-mêmes et commandent des décisions éclairées. Innover, créer, c’est le moment ! Tous les acteurs de mise en œuvre du FBP à tous les niveaux sont interpellés pour redresser la barre et rebondir pour atteindre les résultats fixés. Je te propose donc quelques pistes de réflexion à explorer.

La première est d’impliquer et mobiliser davantage les acteurs de mise en œuvre au niveau périphérique. En réalité, du niveau central au périphérique en passant par l’intermédiaire, tout le monde est concerné. Comme l’adage le dit « pour résoudre un problème, il faut être en face du problème ». La collaboration entre les formations sanitaires, le partage d’expériences et de connaissances peuvent contribuer à asseoir la philosophie de l’entraide pour un même idéal : la performance du système de santé.

Des réunions de sensibilisation, des visites de terrain pour écouter les doléances et préoccupations des employés pourrait contribuer à booster les résultats. La collaboration étroite entre les entités administratives sanitaires mettant en avant l’intérêt et les objectifs communs pour donner l’envie et la motivation à chacun de performer est requise. Il importe donc de mobiliser toutes les énergies et favoriser la coopération et la cohésion d’équipe en prenant en compte les spécificités et compétences de chaque employé.

La deuxième piste porte sur la facilitation à l'accès à toutes les informations opérationnelles. Tu te rappelles que lors de notre récent entretien , nous avons mis un focus sur le partage d’informations entre les différents collaborateurs. Il a été constaté une rétention de l’information dans certaines formations sanitaires que nous avons visitées.

Tu sais que retenir l'information sème le trouble et augmente la suspicion, laissant la porte grande ouverte aux rumeurs qui, de part notre culture, sont généralement alarmistes et souvent source de tension. En outre, il est inconcevable de responsabiliser une personne si elle ne dispose pas de tous les éléments dont elle a besoin pour faire ses choix et s'engager dans l'action. Or, l’accès à l’information surtout opérationnelle favorise l’action dans la durée limitée. La transparence et la confiance entre les collègues et la facilitation de l’accès à l’information augmente le rendement et la productivité.

La troisième piste est Impulser le leadership transformationnel au niveau du District Sanitaire. En effet, comme tu le sais en tant que capitaine, le District sanitaire dont vous avez la charge de piloter est le niveau périphérique, c'est-à-dire opérationnel du système de santé du Burundi. D’ailleurs, tu le sais mieux que moi : le District sanitaire incarne l’autorité managériale au quotidien, forte, capable d’impulser une transformation progressive des différents acteurs de mise en œuvre du FBP. C’est le District sanitaire qui peut insuffler un nouvel élan et éviter l’essoufflement ou le relâchement observé dû probablement à la conjoncture sociopolitique à laquelle fait face notre pays. Le leadership transformationnel proposé au niveau du District doit viser la modification de la perception des acteurs notamment les Médecins Directeurs des Hôpitaux, les titulaires des centres de santé, les chefs de services..

Le District sanitaire doit donc viser l’adhésion de tous les acteurs de mise en œuvre vers le même objectif à savoir améliorer les performances du système de santé de notre pays. Le District sanitaire doit tout faire pour augmenter la confiance en soi de ses collaborateurs sans exclusif en se montrant optimistes et enthousiastes pour leur travail malgré les aléas de tout ordre !
La quatrième piste que je te propose porte sur la mise en place des mécanismes d’échange d’expériences et de connaissances entre les formations sanitaires.

Rappelles- toi mon frère ce que nous avons appris à l’école lorsque Hope disait ceci : « C’'est par l'échange d'expériences que se font les réformes les plus efficaces. Communiquer aux collègues ses essais, ses réussites mais aussi ses erreurs fait avancer la transformation de l'école pour une meilleure réussite des élèves ». Voilà le créneau ! Voilà la balle qu’il faut saisir ! Il existe des formations sanitaires qui affichent de meilleurs résultats pendant que d’autres stagnent ou régressent ! Organiser des visites d’échanges d’expériences notamment dans les stratégies avancées constitue une aubaine pour les formations sanitaires qui avancent lentement !!

La cinquième serait alors d’implanter progressivement la culture d’entreprise. Connaissant votre charisme toujours avec une vision et une ambition claires et concrètes, je suis convaincu que tu restes un pilote qui avance et sait motiver les équipes de collaborateurs. Saches mon frère que le sentiment d’appartenance à l’organisation est une des clés de motivation.

Veille donc à ce que les collaborateurs directs et indirects ne perdent le sens de leur travail ! Veille à ce que les collaborateurs ne perdent pas le sens de leur mission et vivent comme « des pions » dans un système dont ils se mettent à douter ! Comme par le passé faites preuve de créativité surtout en implantant la culture d’entreprise forte qui inspire confiance et perspective pour l’ensemble des employés.
Mon cher Bien aimé,

Je sais que tu es très éloigné de la capitale, loin des bruits des moteurs et de la civilisation moderne ! Mais là où tu es, des populations ont certainement connu ton importance et ne peuvent pas te lâcher ! Quand tu dors, allume ta lampe et lit cette lettre et pense à notre futur FBP en cherchant des pistes nouvelles pour rebondir et garder l’aura que les nations ont connues ces dernières années.

Ton frère
SAKAGANWA JEAN PIERRE
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