MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION MSPLS-UNIPROBA : les batwa cooptés d'expriment


Juin 2008, le ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida a commandité une étude sociologique sur les obstacles à l’accès aux soins au Burundi. Les résultats de l’étude ont montré que les groupes vulnérables dont les Batwa éprouvaient beaucoup de peines à accéder aux soins. Les raisons avancées sont multiples : manque d’argent, le mépris affiché des prestataires des soins, mauvais accueil, auto exclusion, difficile accès à l’information, non représentativité dans les organes de décision au niveau périphérique, non possession de documents administratifs comme la carte d’identité ,la stigmatisation/discrimination, extrême pauvreté liée au manque de sources de revenus comme la terre arable…,

En 2009, le Projet d’Appui au Développement du Secteur de la Santé fut agréé. Ce projet comprend un volet sur la sensibilisation à l’utilisation des services de santé par les populations y compris les groupes vulnérables dont les Batwa.

A partir de janvier 2014, le ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida a signé une convention avec l’UNIPROBA ayant pour objet « la sensibilisation des Batwa à l’utilisation des services de santé ». En vue de leur faciliter la représentativité dans les FOSA au niveau périphérique, des Batwa ont été cooptés dans les ASC et COSA. Au total, 1162 Batwa sont cooptés au niveau national en 2015. Quelques Batwa cooptés rencontrés dans les formations sanitaires en province sanitaire de Gitega et Ruyigi ont livré leurs impressions.

Mvuyekure Célestin est un agent de santé communautaire coopté sur la colline Mutaho, province Gitega. Il a bénéficié de la formation au même titre que les autres Agents de Santé Communautaire de la localité. Il encadre ses pairs Batwa dans la sensibilisation à l’utilisation des structures de santé.

D’après lui, organiser des séances de sensibilisation à l’intention de ses pairs Batwa est une grande nouveauté. Personne n’aurait pensé qu’un jour cela allait arriver a-t-il précisé. En outre a –t-il ajouté , quand l’invitation est lancée auprès de nos pairs Batwa, ces derniers, répondent massivement. Ils viennent comme des curieux ! Oui des curieux, car en effet certains trouvent utiles ces réunions étant donné leur caractère de nouveauté !

Aujourd’hui a-t-il poursuivi, lors de l’animation des réunions collinaires les animateurs abordent toute la thématique santé principalement la vaccination des enfants, les consultations pré et post natales, la lutte contre le paludisme (utilisation du moustiquaire imprégné d’insecticide à longue durée d’action) , la construction des latrines, la scolarisation des enfants, le planning familial, le mariage civil…

Les populations cibles spécialement les femmes répondent à notre invitation. Les hommes sont souvent absents pour des raisons inconnues ! Il a en outre déclaré que les Batwa cooptés organisent des séances de co -animation avec les autres agents de santé communautaire non Batwa de la localité.

Enfin, Mr Mvuyekure a déclaré que suite à des séances de sensibilisation, la grande majorité des femmes enceintes consultent les prestataires de soins pendant la période de grossesse et accouchent dans les centres de santé. Aucun Mutwa ou mutwakazi n’osait se rendre au centre de santé il y a cinq ans ! Impensable ! Certains Batwa pratiquaient l’auto-exclusion ! Ils se sentaient discriminés et par conséquent préféraient compter sur l’auto guérison et au mieux ils consultaient le féticheur et à défaut de tout cela se résignaient à la mort !

Mathias Karenzo, mutwa coopté parmi les COSA est désigné procès verbaliste au CDS Bungere

Karenzo Mathias, coopté parmi les COSA au centre de santé Bungere en province sanitaire de Gitega a été désigné comme procès verbaliste. Il siège dans toutes les réunions du COSA. Lorsque le bonus FBP est disponible, il reçoit sa part comme les autres membres du Comité. Le partage est équitable selon ses propos. Il précise que le fait de représenter ses pairs dans le comité est très bénéfique pour sa santé et celle de ses pairs. D’après lui chaque mutwa qui tombe malade bénéficie des soins de santé avec ou sans argent. En réalité, le centre de santé accepte qu’un membre du COSA se porte garant du moins pour le recouvrement. C’est dire à ses yeux que les Batwa ont un interlocuteur valable, compétent et accepté dans la société.

Ntawuyamara Odette, femme mutwakazi habite à cinq minutes du centre de sante Bungere. Elle accouche au centre de santé depuis 2010. Elle a déclaré qu’avant la mise en place de la convention, les Batwa étaient laissés à leur compte. Elle a précisé aussi que les Batwa ne pouvaient s’imaginer qu’un jour ils allaient avoir des merveilles ! Oui, il s’agit des merveilles vraiment car en effet selon ses dires, accoucher dans un centre de santé et être accueilli avec dignité était inimaginable pour un membre de la communauté Batwa.

Le médecin provincial de Ruyigi Dr Christophe Gahungu a lui –même reconnu que la santé des Batwa s’améliore progressivement. En effet a-t-il précisé, les Batwa cooptés parmi les ASC et le COSA ont contribué sensiblement à sensibiliser les communautés Batwa à utiliser les structures de santé. Les thèmes portent sur toute la thématique santé.

Il a déclaré que parmi les outils de sensibilisation utilisés par les Agents de Santé Communautaire figurent des chansons composées et animées par les Batwa eux-mêmes. Cela montre qu’en réalité l’intégration des Batwa dans la localité est une réalité.

Plaidoyer en faveur des Batwa : étendre les services sociaux de base en faveur de la catégorie Batwa
Les Batwa cooptés de concert avec les autorités sanitaires au niveau provincial remercient très vivement les autorités et les partenaires techniques et financiers du Ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida pour avoir mis en place cette convention. Aujourd’hui cette catégorie accède aux soins de santé au même titre que d’ autres citoyens burundais
Cependant, les Batwa cooptés estiment que les besoins restent très nombreux. Citons en passant les moyens financiers pour la scolarisation des enfants, le coût relativement élevé pour obtenir la carte d’identité, le manque de terre arable… IIs demandent alors de bénéficier des mesures relatives à la discrimination positive notamment dans l’enseignement et dans la santé.
Faisons remarquer que l’étude sociologique mentionnée plus haut propose un plan spécifique Batwa qui nécessite des moyens financiers et techniques beaucoup plus consistants pour améliorer davantage les conditions de vie de cette catégorie longtemps marginalisée.

Par SAKAGANWA Jean Pierre

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