LE FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE ET LA GRATUITE DES SOINS : UNE REFORME PHARE DU SYSTEME DE SANTE MAIS QUELQUES DEFIS SONT A AFFRONTER !


Suite aux effets de la guère civile qui a éclaté depuis 1993 et duré plus de douze ans, les indicateurs de santé ont fortement connu une baisse par rapport aux années antérieures. En effet, par exemple l’espérance de vie à la naissance est tombée de 51 ans en 1993 à moins de 42 ans en 2005. La mortalité infantile est de 800 décès pour 100.000 naissances en 2005. Le taux de prévalence en matière de VIH /SIDA est de 9,5% en milieu urbain et 2,5% en milieu rural . Le taux de couverture vaccinale global de 80 % en 1992 a chuté à 55.3 % en 1997 et était à 78,6% à fin 2004. L’accouchement assisté par le personnel qualifié était à 34% tandis que la prévalence contraceptive à 8% en 2005.

Il y a lieu de mentionner aussi l’insuffisance quantitative et qualitative des personnels de santé surtout au niveau périphérique car 50% des infirmiers et 80% des médecins prestaient à Bujumbura, la capitale . A côté de ces indicateurs, le sous financement chronique du système de santé et d’autres agrégats notamment la disponibilité du médicament, l’hygiène en milieux de soins et d’autres ont eu comme conséquence la dégradation importante de la qualité et de l’accessibilité aux soins surtout pour les pauvres et les vulnérables ! Une situation plus qu’alarmante !

Depuis avril 2010, date du passage à l’échelle nationale de FBP couplé à la gratuité, des résultats encourageants sont enregistrés chaque année malgré des défis majeurs encore observés. Aujourd’hui, les prestataires de soins de santé reconnaissent l’apport du FBP et la gratuité des soins comme une des réformes phares qui a révolutionné et contribué sensiblement à l’amélioration du système de santé.

Macumi Pasteur, chef de service nursing à l’hôpital Muyinga témoigne : « J’ai travaillé dans cet hôpital depuis 1996. A cette époque, l’utilisation des services de santé laissait à désirer. Au niveau de l’accouchement par exemple, les bénéficiaires effectuaient de longues distances. Parfois 20 à 70 km ! Beaucoup de cas de rupture utérine étaient observées ! Beaucoup de femmes enceintes trouvaient la mort en route vers l’hôpital ! L’hygiène laissait aussi à désirer ! ». Le personnel était au nombre de 45 y compris les travailleurs. Un seul individu assurait la garde toute la nuit ! Il circulait d’un service à un autre ! C’était travail fatiguant!! Ereintant !

Il poursuit son récit par une comparaison avec la situation qui prévaut maintenant !
« Aujourd’hui, grâce à la gratuité couplée au FBP, nous observons 10 accouchements dont cinq césariennes chaque nuit ! Le personnel a augmenté. Nous sommes à 163 y compris les travailleurs ! L’utilisation des structures sanitaires a augmenté sensiblement ! Quoique des ruptures intempestives arrivent, le médicament est souvent disponible ! Le circuit du malade est aussi amélioré. L’attitude du personnel soignant envers les clients est positive. La propreté a été aussi améliorée, en témoigne le score de qualité qui est passé de 20 à 70% ! ». C’est bon ! Et en plus, il y a une prime FBP ! (il sourit) !

Dr Victor Nikwigize, Médecin Consultant et Chef de service médecine interne à l’hôpital de Kayanza a la même appréciation que l’interlocuteur précédent. En effet, a-t-il déclaré, le taux de fréquentation est très élevé grâce à la réforme du FBP couplée à la gratuité. Nous observons une très grande affluence au service de maternité où 85 à 96 cas de césariennes par mois sont enregistrés. Les consultations pré natales sont observées presque tous les jours.

A Kayanza, l’accouchement assisté par un personnel qualifié en 2014 est de 58% tandis qu’il est à 73,23% à Muyinga. La moyenne nationale étant à 72.78% pour la même période. En province Muyinga le taux, des enfants complètement vaccinés, est de 97,96%. Il est à 68,57% à Kayanza. La moyenne nationale étant à 74,68% en 2014.

FBP et gratuité : une réponse très attendue envers les vulnérables dont les Batwa !

En 2009, une étude sur les obstacles à l’accès aux soins a montré notamment l’auto-exclusion des personnes vulnérables comme les Batwa à cause de manque d’habits, manque d’argent, manque d’informations et d’autres stéréotypes en rapport notamment avec la marginalisation !! L’une des innovations opérées dans le cadre du FBP et la gratuité a été celle de faciliter les femmes issues des milieux très pauvres comme les Batwa à bénéficier des services des structures de santé au même titre que les autres couches de la société burundaise.

Harerimana Anésie, 28 ans est Mutwakazi. Elle habite à Mukoni en province sanitaire de Muyinga. Elle a trois enfants. Elle a accouché son premier enfant à la maison grâce à l’appui de sa voisine, sage femme. L’accouchement pour les deux autres enfants a eu lieu à l’hôpital. Par manque d’informations, Harerimana, comme la plupart de ses Co-habitants Batwa, ont commencé à bénéficié de la mesure de gratuité à partir de 2010 ! Harerimana et d’autres batwa de la localité doivent l’information sur la mesure de gratuité à un membre de l’Agence d’encadrement en charge de la province Muyinga dans le cadre de la mise en œuvre du Projet d’Appui au Développement de Secteur de la Santé (PADSS.). Selon ses dires, elle pensait que cette réforme était réservée uniquement aux autres citoyens burundais hormis les Batwa.

Le Projet d’Appui au Développement du Secteur de la Santé prévoit donc dans sa composante 1B la sensibilisation des groupes vulnérables à l’utilisation des structures de santé à travers le système de cooptation des Batwa dans les organes de gestion des centres de santé. Les Batwa Cooptés dans les COSA et les ASC contribuent donc à la sensibilisation de cette catégorie à l’utilisation des services de santé. En effet des séances de sensibilisation sont organisées à leur intention pour fréquenter les structures de soins. Des faits sont donc observables, les Batwa accèdent aux soins au même titre que les autres citoyens burundais, une première dans les annales du système de santé du Burundi.
Des défis majeurs fragilisent le système de santé.

Comme on peut le constater, les progrès sont enregistrés mais des défis majeurs existent notamment au niveau de la qualité des soins, l’hygiène en général et la gestion des déchets bio médicaux, la malnutrition…. En effet, concernant la qualité des soins, dans certaines formations sanitaires notamment à Kayanza il a été constaté que deux à quatre enfants partagent un seul lit au service de maternité. Les mamans, gardes malades doivent se relayer toute la nuit. Ils ne parviennent pas à trouver sommeil et souvent elles finissent par tomber malades à cause de la fatigue !! A côté de cela le risque de contamination est très élevé.

Au niveau de l’hygiène tous les malades de l’hôpital Kayanza partagent huit toilettes !!! Il y a lieu d’‘imaginer la situation en cas de pénurie d’eau et surtout en cas de maladie contagieuse !! Cette situation est aggravée par le problème en rapport avec la gestion des déchets bio médicaux dans cet hôpital. L’incinérateur ne fonctionne pas convenablement. A cause certainement de l’usure, cet incinérateur ne ferme pas correctement et les fumées se répandent à la hauteur des maisons d’habitation.

Un autre défi non des moindres concernent la malnutrition. Des mamans portant dans leur bras les corps de leurs enfants très affaiblis et amaigris sont assises dans le couloir de service nutrition à l’hôpital de Muyinga. Ils sont là deux semaines voire trois sans amélioration. Visiblement très découragées, les mamans demandent un appui substantiel de la part de l’Etat pour subvenir à leur besoin.

A noter que le taux de malnutrition aiguë au Burundi est de 6%. L’insuffisance pondérale est encore élevée (29%), près du seuil critique de 30%. Les résultats d’EDS 2010 ont montré que la malnutrition chronique (retard de croissance) reste un problème très grave au pays, dépassant le seuil critique de 40%. Beaucoup d’efforts sont donc à consentir pour éradiquer le fléau car en effet, la faim affaiblit l’homme avant de le tuer !!
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